Il ne s’agit pas d’un simple soutien économique. Ce que l’État haïtien s’apprête à faire en offrant jusqu’à 11 millions de dollars américains à la compagnie Sunrise Airways pour relancer les vols internes est une démonstration brutale de la collusion entre pouvoir public et intérêts privés.
Dans un pays où l’insécurité paralyse les routes, où la population peine à se nourrir, à se soigner, à se déplacer, comment justifier une subvention massive à une seule entreprise, sans appel d’offres, sans conditions claires, sans transparence ? Le message est simple : le monopole est roi, et c’est le peuple qui paie.
Car ne nous trompons pas : subventionner un monopole, c’est punir la population deux fois. Une première fois à travers des prix élevés, imposés sans concurrence. Une seconde fois à travers les impôts qu’elle paie — directement ou indirectement — pour financer ce cadeau d’État. Et tout cela, sans améliorer les causes profondes de la crise, ni la précarité, ni l’insécurité, ni le délabrement des infrastructures.
Pire encore : cette subvention crée un aléa moral d’une gravité inacceptable. Elle incite Sunrise à profiter de l’instabilité, à préférer le chaos à la réforme, car plus l’insécurité s’enracine, plus l’État se sentira obligé de financer la solution “aérienne”. C’est une logique perverse : l’entreprise a intérêt à ce que les routes restent impraticables. Ce n’est plus une entreprise de transport, c’est un outil de dépendance collective.
En réalité, ce n’est pas Sunrise qui est en faute, mais l’État haïtien lui-même. Ou plutôt ce qu’il en reste, capturé par un secteur privé tout-puissant, présent à la Primature comme au sein du Conseil présidentiel. Nous ne sommes plus face à un État souverain, mais à un État client, qui ne gouverne plus qu’au profit de quelques-uns.
Tant que cette logique perdure, Haïti ne volera pas — ni par les airs, ni par l’espoir. Ce que le pays attend, ce n’est pas qu’on finance les avions d’un monopole, mais qu’on désenclave le territoire, qu’on rétablisse la sécurité, qu’on relance la concurrence, et surtout, qu’on gouverne pour le bien commun.
[La Redaction]