La décision de révoquer le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Frantz Monclair, continue de susciter un vif débat au sein de l’opinion publique. Depuis plusieurs semaines, des avocats protestataires dénonçaient déjà ce magistrat comme un homme « qui vend la justice » au sommet du parquet de la capitale.
Un avocat sous les balles, un acte resté impuni
Dans cette lutte acharnée, l’un des avocats protestataires, Me Félix Wallens, a reçu plusieurs balles après une altercation impliquant le commissaire et ses partisans, selon les témoignages de confrères. Jusqu’ici, aucun suivi judiciaire n’a été engagé, et l’affaire demeure sans sanction, illustrant une nouvelle fois la culture de l’impunité qui gangrène l’appareil judiciaire.
Le ministère de la Justice, relayant le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), n’avait jusque-là pris aucune décision ni convocation malgré la multiplication des dénonciations. Pourtant, à la suite de la libération controversée de l’ancien sénateur Nenel Cassy, un dossier que Monclair avait lui-même anticipé d’instruire, le pouvoir intérimaire a choisi de le révoquer.
Dans la lettre officielle, les autorités évoquent une « faute administrative grave », évitant soigneusement de mentionner les accusations criminelles qui planaient sur lui. Pour beaucoup, il s’agit d’un sacrifice administratif, une manière de calmer la rue sans affronter les vrais problèmes.
« Frantz Moncash », un nom gravé sur les murs du parquet
Les avocats protestataires avaient surnommé l’ancien commissaire « Frantz Moncash », dénonçant ouvertement une justice transformée en marché financier. Ce slogan s’affichait même sur les murs du parquet de Port-au-Prince, devenant un symbole de rejet et de mépris populaire.
Le plus troublant reste le timing : Monclair, qui venait de libérer Nenel Cassy — un ancien sénateur sanctionné par Washington et Ottawa pour ses liens présumés avec des gangs armés — a été remercié moins de 24 heures plus tard.
Pour certains, il ne s’agit que d’une mise en scène, un scénario dans lequel le système judiciaire dit « merci » au commissaire après l’avoir utilisé pour une décision controversée, avant de le sacrifier sur l’autel de l’opinion publique.
La grande question : et après ?
Cette révocation soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses :
- Y aura-t-il de véritables poursuites judiciaires contre Frantz Monclair ?
- Pourquoi les autorités ont-elles attendu aussi longtemps pour agir, alors que les dénonciations s’accumulaient depuis des mois ?
- Est-ce réellement la fin de son influence ou simplement un déplacement du problème ?
« La justice élève une nation », dit-on. Mais en Haïti, la justice semble surtout protéger les puissants et punir les faibles. La révocation de Frantz Monclair, loin d’être une victoire pour l’État de droit, risque de n’être qu’un écran de fumée. Sans poursuites judiciaires réelles et exemplaires, cette affaire restera un épisode de plus dans le théâtre de l’impunité.
[Luckson Pierre]
























