Port-au-Prince, 29 mars 2025 –
« Comment les groupes criminels parviennent-ils à contrôler plus de 85 % de Port-au-Prince ? » La question, posée ce 28 mars par le journaliste Robenson Geffrard sur les réseaux sociaux, sonne comme un cri du cœur – mais aussi comme un acte d’accusation voilé. En quelques mots, elle résume l’incompréhension croissante d’une population livrée à l’insécurité, face à un État perçu comme dépassé.
Dans un contexte de chaos sécuritaire où les gangs armés étendent leur emprise jusqu’aux portes de certaines institutions, cette interrogation soulève un malaise profond. Comment expliquer que des groupes illégaux disposent, apparemment, de plus de puissance que les forces réunies de la PNH, des FAD’H, et des soutiens internationaux ?
Depuis plusieurs mois, des sources locales et internationales rapportent que la majorité des quartiers de Port-au-Prince sont passés sous le contrôle de gangs lourdement armés. L’accès à des infrastructures stratégiques (ports, routes nationales, axes d’approvisionnement) leur donne un pouvoir sans précédent. Ces groupes disposent de véhicules blindés, d’armes automatiques de guerre, et bénéficieraient même d’un approvisionnement soutenu en munitions.
Face à eux, la Police Nationale d’Haïti est en sous-effectif, mal équipée, souvent démoralisée. Les Forces Armées d’Haïti, bien que réactivées depuis quelques années, peinent à jouer un rôle décisif. Quant à la force étrangère de soutien attendue depuis des mois, elle tarde encore à se déployer pleinement sur le terrain.
La question de Geffrard touche une corde sensible : les ressources. Le journaliste interroge indirectement la manière dont les moyens – humains, matériels, financiers – sont alloués ou dilapidés. Il sous-entend une situation paradoxale : comment une poignée de groupes armés parvient-elle à surclasser des forces censées incarner la souveraineté et la sécurité de l’État ?
Les hypothèses évoquées, de manière plus ou moins ouverte, incluent :
•Des complicités internes dans certaines institutions
•Un manque de coordination stratégique
•Une corruption systémique
•L’absence de volonté politique réelle pour affronter le problème à la racine
Il rappelle aussi que le véritable danger ne réside pas seulement dans les armes des gangs, mais dans l’érosion continue de la confiance citoyenne envers l’État.
Et si, dans une démocratie en crise, poser des questions devenait l’acte de résistance le plus essentiel ?